samedi 19 mars 2011

Le 'umran et la ville / Djamel Chabane

Séminaire "Poétique de la terre". Compte rendu de la séance du vendredi 18 mars 2011.

M. Djamel Chabane a donné sa quatrième et dernière conférence, "Le 'umran et la ville", dont vous trouverez ci-après le résumé. Cette dernière conférence s'est terminée sur une vue du Taj Mahal, monument funéraire édifié par Shah Jahân sur les bords de la Yamunâ pour son épouse Mumtaz-i Mahâl, et sur cette recommandation: "Tuons le mort pour le réveiller !" (vous trouverez ci-joint une courte explication de cet aphorisme, ainsi qu'un petit texte d'actualité).

Quatrième conférence : Le ‘umrân et la ville

Cette communication consiste à s’interroger sur la ville médiévale maghrébine sur le plan morphologique, organisationnel et conceptuel.
A partir des vestiges archéologiques et des textes philosophiques de cette période historique florissante, on va développer une théorie de l’espace et de la ville. Cette nouvelle approche théorique et épistémologique peut ouvrir un nouveau débat sur la ville et son imaginaire et esquisser de nouvelles perspectives pour l’organisation et la gestion de la ville actuelle.

La ville est la projection sur le sol d’une société tout entière avec sa culture, ses institutions, son éthique, ses valeurs. Et l’espace n’est pas un objet scientifique détourné par l’idéologie ou par la politique ; il a toujours été politique et stratégique. « L’espace est politique et idéologique » écrit H. Lefebvre. Par conséquent, la ville peut se concevoir autrement comme un espace politique à construire politiquement comme partie intégrante de l’État mais aussi comme partie spécifique, produit d’une histoire particulière, habitée par une société particulière.

L’architecture et la ville ont toujours été produites de façon sensible et jamais leur intelligibilité culturelle n’a fait débat. Aujourd’hui, chaque opération est l’objet d’une réflexion qui invite à une vision globale de la ville et de sa nécessaire intelligibilité. La vie urbaine n’a pas encore commencé écrit H. Lefebvre. La cité idéale et réaliste doit obéir à des principes précis pour produire le bonheur. La ville n’est pas une fin, mais l’un des moyens d’assurer l’organisation la meilleure pour parvenir à la justice, pas n’importe quelle justice : celle qui s’induit de la connaissance et qui impose à chacun sa place, sa condition et sa fonction dans la société. Ce projet est politique. La recherche d’une réponse globale aux grandes questions de la ville algérienne actuelle se trouve sans doute dans une vision complètement renouvelée de la cité et du pouvoir politique. Et quand l’espace est un champ d’administration écrit H. Maldiney : « il n’est plus habité ni habitable. Il n’est plus un lieu. Habiter, c’est à chaque instant bâtir un monde où avoir lieu d’être. Bâtir, c’est gouverner, non administrer ». La ville d’aujourd’hui est une ville dans l’État, elle cesse d’être « globale » et souveraine, pour devenir un appareil partiel d’une organisation politique qui la dépasse. Par contre la ville-État est le lieu d’un véritable gouvernement urbain, il s’agit moins d’administrer les choses urbaines que de gouverner les citadins. L’urbanisme apparaît comme œuvre, c’est-à-dire construction de l’esprit, produit de l’intelligence, projet politique. Une œuvre de cette nature qui a la prétention de porter un projet politique ne peut être que collective. C’est un contre-modèle qui ne s’impose pas de lui-même, qui est à imaginer et à construire.